Zones humides

Par leur richesse en habitats et en espèces, leurs rôles d’infrastructure naturelle, de supports d’activités et de cadre de vie de qualité, les services écosystémiques qu’ils rendent et qui en font des leviers importants dans la régulation de la ressource en eau, l’épuration, la prévention des crues et de façon générale dans la lutte contre le changement climatique (atténuation et adaptation), les milieux humides sont des espaces à forts enjeux écologique, économique et social.
Les zones humides sont donc vitales pour la survie de l’humanité et il convient de lutter contre le lent grignotage de ces zones méconnues et souvent mal aimées.
La France s’est engagée à préserver les zones humides sur son territoire, notamment à travers la convention de Ramsar.

Qu’entend-on par zones humides?

Sous le vocable de zones ou milieux humides se cache une foisonnante multiplicité, qui rend ces milieux difficiles à « cerner ». Selon la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 (Code env., L. 211-1), les zones humides sont les « terrains exploités ou non, habituellement inondés ou gorgés d’eau douce, salée ou saumâtre de façon permanente ou temporaire ; la végétation quand elle existe, y est dominée par des plantes hygrophiles pendant au moins une partie de l’année ».
En clair, il s’agit de tous les milieux se trouvant à l’interface entre terre et eau : étangs, lacs, tourbières, prairies humides, zones humides alluviales, ripisylves, forêts humides, prairies inondables, mares, marais, lagunes, estuaires, vasières, prés salés, mangroves,…
Les milieux humides de France métropolitaine couvrent aujourd’hui environ 1,8 million ha soit 3% du territoire (hors vasières, milieux marins, cours d’eau et grands lacs), sachant qu’on estime leur proportion naturelle (hors drainage et artificialisation) plutôt à 30 %
C’est peu dire que leur superficie a régressé, comme l’ensemble des espaces naturels mais sans doute plus rapidement encore, ces milieux ayant longtemps, et peut-être encore maintenant, pâti d’une mauvaise image de « terres vaines » alors qu’ils sont au contraire parmi les milieux les plus riches et les plus utiles.

Les services rendus par les milieux humides

Les milieux humides, lorsqu’ils sont en bon état, rendent GRATUITEMENT des services inestimables, essentiels en tous temps mais surtout en temps de changement climatique :

  • ce sont des éponges naturelles qui, d’une part, absorbent l’eau en période humide et ainsi protègent contre les impacts des inondations et, d’autre part, restituent l’eau progressivement en période sèche en assurant ainsi un soutien d’étiage pour les cours d’eau et l’alimentation en eau de l’écosystème
  • par leur configuration, leur biodiversité, les zones humides littorales (estuaires, récifs coralliens, mangroves, marais, etc) protègent les côtes des aléas climatiques et risques de submersion, et de l’érosion et du recul du trait de côte
  • les milieux humides influencent fortement les flux de minéraux et de matières organiques dans les bassins versants et, comme des « reins » naturels, assurent ainsi l’épuration de l’eau s’infiltrant vers les nappes souterraines (abattement jusqu’à 86 % du N organique, 84 % du P total, 78 % du NH4), et enrichissent de ce fait le milieu (apport de matières fertilisantes capturées),
  • ce sont de vrais puits de carbone et donc de précieux auxiliaires pour la lutte contre le réchauffement : ils piègent jusqu’à 64 % du carbone organique. Les championnes toutes catégories sont les tourbières, qui représentent seulement 3 % de la surface terrestre mais qui stockent 2 fois plus de carbone que les forêts qui occupent 30 % de la superficie
  • ce sont les milieux qui présentent de loin la plus forte productivité rapportée à la superficie occupée
  • ce sont également des milieux indispensables à de très nombreuses espèces, qui y sont inféodées entièrement ou partiellement. En dépendent notamment : 50 % des oiseaux, la plupart des poissons, 100 % des amphibiens, 100 % des odonates, 30 % des plantes remarquables ou menacées, …,
  • on pourrait enfin citer les services économiques (agriculture : notamment élevage, pêche, ..), culturels et de loisirs, sans parler de la valeur des paysages qu’ils dessinent avec les cours d’eau.

Lien vers la vidéo de l’Agence de l’eau RMC :
https://www.youtube.com/watch?v=rVStFHRfOnc

La problématique : une régression inquiétante des milieux humides

CHIFFRES CLÉS :

  • les milieux humides de France métropolitaine couvrent aujourd’hui environ 1,8 millions ha soit 3% du territoire (hors vasières, milieux marins, cours d’eau et grands lacs), sachant qu’on estime leur proportion naturelle (hors drainage et artificialisation) plutôt à 30 %
  • au 20è siècle dans le monde on estime une perte de 64 à 71 % en surface, au rythme d’environ -1,5 % annuel
  • en France, on estime qu’on a perdu la MOITIE des zones humides (déjà résiduelles) entre 1960 et 1990, sans compter les pertes de fonctionnalités des zones humides résiduelles en raison des pollutions, des assèchements
  • on chiffre la perte en services écosystémiques (gratuits donc) de l’ordre de 20 000 milliards de dollars
  • quant au déclin de l’abondance des espèces d’eau douce (mammifères, oiseaux, reptiles, amphibiens, poissons), il est de l’ordre de 76 %

Cette régression des milieux humides, liée à l’artificialisation des terres par l’urbanisation et les infrastructures, à l’intensification agricole, à l’aménagement des cours d’eau, à l’excès des prélèvements d’eau, au drainage agricole notamment, aux pollutions industrielles et autres, est très préoccupante.

Ce constat a conduit le Préfet Paul Bernard à lancer un vrai cri d’alarme dans son rapport de 1994 (« Les Zones humides, rapport de l’instance d’évaluation ») qui a insisté sur « la nécessité d’un écosystème et d’une civilisation ». A la suite de ce rapport ont été lancés et mis en œuvre des plans nationaux d’action.

Le rapport de la mission parlementaire "Terres d’eau, terres d’avenir"

En août 2018, le Gouvernement a confié une mission parlementaire à Frédérique Tuffnel, députée de la Charente-Maritime, et Jérôme Bignon, sénateur de la Somme, afin d’apporter des réponses plus fortes à une situation toujours difficile. La mission a rendu son rapport « Terres d’eau, terres d’avenir » « Faire de nos zones humides des territoires pionniers de la transition écologique » fin janvier 2019, dans lequel ils préconisent de nombreuses pistes pour une politique ambitieuse de préservation et de reconquête.

Le rapport met l’accent sur la méconnaissance des bienfaits des zones humides et préconise une sensibilisation accrue à destination des élus des territoires, et plus largement de l’ensemble de nos concitoyens, quant à l’importance des terres d’eau dans notre lutte collective contre le réchauffement climatique.
Il appelle également, notamment, à renforcer le cadrage juridique, à poursuivre les efforts menés dans l’identification de ces milieux afin de disposer d’une connaissance actualisée et exhaustive du sujet, à renforcer leur prise en compte dans l’aménagement des territoires et à la prise en main de ces enjeux par les acteurs territoriaux et notamment les collectivités, à faire des terres d’eau des zones ressources pour une agriculture écologique, avec l’expérimentation des paiements pour services environnementaux (PSE).

À partir de cet état des lieux complet et des pistes proposées, plusieurs chantiers vont être ouverts pour mettre réellement en œuvre une action ambitieuse et cohérente en faveur de la reconquête des milieux humides.
Ce rapport sera ainsi l’un des fondements du prochain Plan national en faveur des milieux humides.

Pour en savoir plus :
Le rapport de la mission : http://rapportterresdeauterresdavenir.com/
Portail des zones humides : http://www.zones-humides.org/
Site du ministère : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/protection-des-milieux-humides#e0

Sur le site du ministère, on trouve notamment des informations sur les Grands Prix milieux humides et urbanisme de 2011 et 2017, lancés dans le cadre du deuxième plan Milieux humides.
L’objectif est de valoriser des opérations réussies de prise en compte des milieux humides dans des aménagements, des réflexions urbaines et dans le domaine de la planification (plan local d’urbanisme, schéma de cohérence territoriale). Elles montrent la voie à l’ensemble des collectivités, qui doivent trouver leurs propres solutions de développement durable du territoire.

La convention de Ramsar

La convention de Ramsar sur les zones humides, signée en 1971 à Ramsar en Iran, est la seule convention internationale dédiée à un écosystème spécifique. Elle rassemble aujourd’hui 170 parties contractantes, ce qui prouve son succès, mais elle reste méconnue du fait notamment qu’elle n’est pas une convention ONU Organisation des Nations unies (contrairement à la convention sur la diversité biologique ou sur le changement climatique par exemple).
Les conférences des parties se réunissent tous les trois ans (réunions plénières de l’ensemble des parties), la dernière a eu lieu à Dubaï en octobre 2018, la prochaine aura lieu en 2021 (lieu non encore défini) pour les 50 ans de la Convention !
La France qui est devenue partie contractante à la convention en 1986, suit les travaux régulièrement en participant aux réunions annuelles du comité permanent qui se déroulent au siège de la Convention (Gland, Suisse).
La convention de Ramsar impose notamment aux parties :

  • de mettre en œuvre des politiques nationales permettant de préserver et de gérer durablement l’ensemble des zones humides,
  • de développer un réseau de « zones humides d’importance internationale », couramment appelées « sites Ramsar » : 2 341 sites aujourd’hui dans le monde, dont 48 en France (37 en métropole et 11 outre-mer). Ces sites correspondent à des zones humides répondant à des critères très exigeants en termes de types de milieux, et surtout d’espèces. Initialement la Convention de Ramsar s’intéressait exclusivement aux oiseaux migrateurs, il s’agissait de préserver les zones de repos, de nourrissage et de reproduction sur les voies de migration, puis elle s’est élargie à l’ensemble des espèces de faune et de flore. Elle constitue une convention essentielle dans ses enjeux en lien notamment avec la préservation de la biodiversité et l’atténuation et adaptation au changement climatique, et fait l’objet d’une attention plus soutenue ces dernières années.

La France et la convention de Ramsar

En France le fonctionnement de la convention est assuré par :

  • une autorité administrative : la direction de l’eau et de la biodiversité (DEB), notamment responsable de la désignation des zones humides sur la liste des sites Ramsar, pour lesquels elle doit assurer une gestion appropriée, mais aussi, plus largement, mettre en œuvre une politique nationale pour les milieux humides afin de préserver et de gérer durablement ces derniers ;
  • un point focal national, désigné par l’autorité administrative et qui assure notamment la liaison régulière avec le secrétariat de la convention et coordonne la mise en œuvre de la convention au niveau national ;
  • le groupe national pour les milieux humides composé selon le système grenelle de gouvernance à 5, qui appuie le gouvernement dans la mise en place de sa politique milieux humides en général et de la convention de Ramsar en particulier ;
  • deux correspondants nationaux du groupe d’évaluation scientifique et technique, experts techniques reconnus et motivés dans le domaine des milieux humides. Ils travaillent en liaison avec des homologues des autres parties contractantes ;
  • deux points focaux pour la communication, l’éducation et la participation du public, un gouvernemental et un non-gouvernemental. Ensemble, ils dirigent, au niveau national, le développement et la mise en œuvre de programmes nationaux de communication, éducation et participation du public. Le correspondant gouvernemental est la direction de l’eau et de la biodiversité (DEB) et le correspondant non gouvernemental est la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN).

En ce qui concerne la désignation de sites Ramsar au niveau national, après une procédure locale associant l’ensemble des acteurs sous la houlette du futur gestionnaire et de la DREAL direction régionale de l'environnement de l'aménagement et du logement, procédure souvent assez longue afin d’obtenir une vraie adhésion du territoire, les projets sont adressés par le préfet à la DGALN/DEB, à qui il appartient d’instruire le dossier, de l’analyser, de saisir les différentes instances prévues, tout d’abord le Muséum National d'Histoire Naturelle (MNHN) qui est l’autorité scientifique validant ou pas les critères censés être respectés par le site, puis, sur la base de son avis, le groupe national milieux humides et la Commission Nationale de Protection de la Nature (CNPN).
Après validation par le MNHN, la DGALN/DEB adresse le dossier au secrétariat de la convention de Ramsar pour désignation officielle, et après échanges, le site est « publié » sur le site des sites Ramsar.
Si, dans d’autres pays, la désignation Ramsar est le seul outil permettant de préserver les zones humides, en France il existe déjà plusieurs outils : aussi il a été décidé de faire de Ramsar plutôt un « label » valorisant le site et la gestion qui y est menée. Les sites sont donc toujours adossés à des protections ou mesures de gestion déjà en place (réserves naturelles, sites du Conservatoires du littoral, sites Natura 2000, PNR …).
Le réseau des gestionnaires de sites Ramsar est animé par une association spécifique, Ramsar France.

Pour en savoir plus :
Site de la convention de Ramsar : https://www.ramsar.org/fr
Site des sites Ramsar : https://rsis.ramsar.org/fr?language=fr
Portail français des sites Ramsar : http://www.zones-humides.org/entre-terre-et-eau/ou-les-trouve-t-on/les-sites-reconnus/les-sites-ramsar-en-france